"Séismes : qu’est ce qui fait trembler la Maurienne ?" Retour sur Entre midi & science (14/05/2019)

Publié par Claire Tantin, le 12 juin 2019   1.7k

Vous êtes curieux des sciences ? Désireux de comprendre les sujets de société et leurs enjeux ? Une fois par mois, à la Galerie Eurêka, venez rencontrer des spécialistes, poser vos questions et débattre avec eux autour d’un café lors des rendez-vous « Entre midi et science ».

Si vous n’avez pas assisté au dernier rendez-vous du mardi 14 mai, « Séismes : Qu’est-ce qui fait trembler la Maurienne ? », ce résumé vous en donnera un aperçu !

 En présence de :

Philippe Guéguen, Directeur de recherche IFSTTAR, Institut des Sciences de la Terre.

 

Dans un premier temps, P. Guéguen revient sur les débuts de la compréhension des tremblements de terre, comment observer les séismes puis dans un second temps, fait un focus sur la vallée de la Maurienne. 


Qu’est-ce qu’un tremblement de terre ?

 Par rapport à l’ensemble des catastrophes naturelles, ce sont les tremblements de terre qui ont le plus de conséquences. Les séismes et les volcans sont peu fréquents puisqu'ils ne représentent que 12% des catastrophes mais provoquent à eux deux, 50% des pertes économiques et 70% des victimes. Si actuellement, ce sont les tremblements de terre qui provoquent le plus de victimes, cela pourrait évoluer avec le réchauffement climatique. 

Observer la Terre pour mieux la comprendre :

 

Depuis Platon et Aristote, les scientifiques ont lié ce qu’on voyait à l’extérieur de la Terre, comme le vent ou les volcans, avec l’intérieur de la Terre. La théorie des vents intérieurs « le Pneuma » va durer jusqu’au XIXe siècle.

Vers 1750, les scientifiques vont lier les tremblements de terre aux orages, en tenant compte du bruit : le bruit du tremblement de terre parait équivalent au bruit du tonnerre lors d’un orage. Mais cette explication va rapidement être jugée fausse.

 

La fin du XIXe siècle et le début du XXe est une époque de grands tremblements de terre. Les géologues vont aller sur le terrain et déterminer que chaque tremblement de terre se situe sur des failles. C’est aussi l’arrivée des enregistrements avec le premier sismogramme en 1881.

La première identification du manteau date de 1906, celle de la croûte terrestre de 1909 et celle du noyau de 1912.

En parallèle, dès le XIVe siècle, une première théorie apparait en tenant compte de la forme des continents. On imagine déjà qu’il y a eu, à une époque plus ancienne, un seul continent grâce aux formes de l’Afrique et de l’Amérique du sud qui semblent s’emboiter.

A partir du XXe siècle, Franck Taylor et Alfred Wegener vont démontrer la théorie des mouvements des plaques.

En 1945, Holmes explique le mouvement relatif aux continents les uns par rapport aux autres.

En 1968, le Pichon démontre que le mouvement des plaques est à l’origine des tremblements de terre : c’est la théorie de la tectonique des plaques. Toutes les plaques bougent les unes par rapport aux autres et ce sont ces mouvements qui provoquent les séismes. La tectonique des plaques est donc à l’origine de la sismicité. Les séismes sont alignés et localisés au niveau du contact des plaques. Là où il y a de la tectonique, il y a des montagnes et ces lieux sont le siège de tremblements de terre. 

Instruments utilisés pour observer et classer les séismes :

Le tout premier instrument pèse une tonne mais est très sensible.

Entre 1906 et 1968, les scientifiques utilisent le sismomètre de Wiechert, puis entre 1960 et 1990, des systèmes Kinemetrics  et aujourd’hui les sismomètres sont électroniques.

Classement des tremblements de terre les uns par rapport aux autres :

Deux types d’échelles sont utilisés :

  • Par rapport à l’intensité macrosismique : cette échelle classe les séismes en fonction du ressenti et des dégâts observés et permet de délimiter la zone impactée. L’échelle Rossi-Forel est utilisée dès 1900. Actuellement, c’est l’échelle européenne EMS98 (Echelle macrosismique européenne) définie par la commission européenne de sismologie qui est utilisée.
  • Par rapport à la magnitude : Elle quantifie les ondes et est liée à l’énergie libérée par le séisme. Elle se mesure avec des enregistrements, les sismogrammes. Un séisme correspond à une magnitude et une seule puisqu’elle dépend de l’énergie libérée par le tremblement de terre. L’échelle de Richter ou échelle locale (1933) est une échelle de magnitude. L’échelle de magnitude de moment (créée en 1977-1979) est mieux adaptée aux très gros séismes. Cette magnitude dépend  du moment sismique qui est lié à la rigidité du milieu, au déplacement de la faille et à la surface de la faille. La magnitude est proportionnelle à la longueur de la faille qui a rompu ainsi qu’au glissement sur cette faille. 

Instrumenter pour mieux observer :

L’instrumentation permet de quantifier les failles les plus actives et de déterminer de façon de plus en plus précise les zones de tremblements de terre.

Les stations GPS positionnées sur le Japon permettent d’observer les mouvements des plaques lors des tremblements de terre. Du fait de la tectonique des plaques, à partir d’un certain seuil, il y a rupture et séisme ! Cette rupture apparait toujours à peu près au bout du même temps de chargement des plaques. Cela permet de créer des modèles de prédiction des séismes.

On a toujours à peu près le même nombre de séismes de magnitude 5, 6 ou 7 sur la surface du globe :

On observe un séisme de magnitude supérieure à 6 tous les trois jours dans le monde.  Dans le sud-est de la France, on a un séisme de magnitude supérieure à 4 tous les trois ans. On parle de modèle d’occurrence des tremblements de terre. 

La réglementation parasismique et aléa sismique en France :

Les zones à réglementation sont les Pyrénées, les Alpes, le Massif central et l’Ouest de la France. Ce sont les vibrations,  donc les ondes du tremblement de terre qui provoquent les dommages aux constructions. Les constructions parasismiques permettent de réduire la vulnérabilité des constructions face aux séismes.

 Et la Maurienne ?

La Maurienne était un secteur jugé comme peu sismique qui est devenu tout à coup en 2015-2016, un lieu d’ « essaim sismique » c’est-à-dire un lieu où une concentration de petites secousses sont présentes dans le temps et dans l’espace. Ces secousses ont été très ressenties par la population.  

Il existe plusieurs lieux avec des essaims dans les Alpes : à Vallorcine, dans le massif du Mont Blanc, en Ubaye dans les Alpes du sud et en Maurienne. On ne sait pas exactement ce qui se passe lors de ces essaims. Cependant,  ils sont situés là où il y a eu un séisme « historique », séisme ancien dont on a gardé la trace. La faille le long de Belledonne se trouve sur la partie externe (de quoi ?), les failles glissent les unes par rapport aux autres. Les failles secondaires, sur lesquelles sont situés ces essaims, sont perpendiculaires à la faille principale.

Un programme a été lancé pour mieux définir les essaims sismiques. De nombreux sismographes sont installés au niveau des différentes communes impactées en Maurienne : plus de 20 000 événements ont été enregistrés depuis 2016, soit 30 événements par semaine ! Depuis 5 à 6 mois, il y a un ralentissement de l’activité de l’essaim, qui a tendance à disparaitre.

L’origine des essaims est tectonique mais il s’agit maintenant de comprendre mieux pourquoi ils démarrent,  pourquoi ils s’arrêtent ou encore quelle est la magnitude maximum d’un séisme dans l’essaim ? Les premières réponses à ces questions devraient arriver l’an prochain suite à l’étude des nombreux relevés effectués tout au long de cet événement.

Questions-Réponses :

 Question : Quelles sont les réponses des appareils face à une activité sismique telle qu’en Maurienne ?

Réponse : Il existe un réseau standard qui a donné les premières indications puis il y a eu un ajout de cinq nouvelles stations suite à la quantité d’événements, petits mais très nombreux,  qui se sont produit et qui ont surpris les spécialistes. Les vibrations enregistrées ont été variables d’une commune à l’autre avec un rapport magnitude /vibration standard.

Il n’y a pas de relation avérée entre le creusement du tunnel Lyon-Turin et l’essaim. L’activité géothermique ainsi que les barrages produisent de l’activité sismique !

Au Japon en 2011, il n’y a pas eu de victimes suite au tremblement de terre, ni de dégradation des bâtiments car il y a application des règles parasismiques.

En 1996 à Kobé, le fort séisme a provoqué de gros dégâts car la zone n’était pas identifiée comme une zone très sismique.

 Q : Quelles failles existent autour de Chambéry ? Quelle est la plus préoccupante ?

R : Les deux failles les plus actives sont la faille de Belledonne et celle d’Annecy.