«Nutri-Score, Yuka…allons-nous mieux manger ?» Retour sur Entre midi & science (11/02/2020)

Publié par Claire Tantin, le 30 octobre 2020   1.4k

Vous êtes curieux des sciences ? Désireux de comprendre les sujets de société et leurs enjeux ? Une fois par mois, à la Galerie Eurêka, venez rencontrer des spécialistes, poser vos questions et débattre avec eux autour d’un café lors des rendez-vous « Entre midi & science ».

Si vous n’avez pas assisté au dernier rendez-vous du mardi 11 février, « Nutri-Score, Yuka…allons-nous mieux manger ? », ce résumé vous en donnera un aperçu !

Pour échanger sur ce thème, Robert Mondot, administrateur national et président de l’antenne Chambéry de l’UFC–Que Choisir et Guillaume Le Borgne, chercheur à l’IREGE (Institut de recherche en Gestion et en Economie) et maître de conférences à l’Université Savoie Mont-Blanc étaient les invités de ce café-débat.

Robert Mondot commence son intervention en définissant la notion de « qualité nutritionnelle ». Ce terme n’évoque pas les mêmes représentations pour tous. Cela peut être :

  • la quantité de calories d’un aliment,

  • l’équilibre des différents nutriments des aliments,

  • ce qui est potentiellement dangereux pour notre santé,

  • si les produits sont bons ou mauvais d’un point de vue qualitatif.

Cette notion est, par ailleurs, sensible aux modes et elle évolue avec le temps : ce qui était bon pour la santé hier, comme boire du lait ou manger de la viande, n’est plus « vrai » aujourd’hui ! Une enquête sur la « qualité des aliments » réalisée par l’UFC-Que Choisir montre que :

  • Pour 9 Français sur 10, être mieux informé permet de consommer des produits de meilleure qualité,

  • 83% s’informent sur les produits mais trouvent les informations incomplètes,

  • 17% utilisent des applis comme Yuka pour s’informer

  • 50% font confiance aux applis même s’ils ne les utilisent pas, ce chiffre montant à 90% pour les utilisateurs des applis.

Pour connaître les qualités nutritionnelles des produits, trois outils sont à la disposition du consommateur :

Le PNNS (Plan National Nutrition Santé) est un plan avec des recommandations officielles pour améliorer l’état de santé de la population. Il est validé par l’ANSES (Agence Nationale de SÉcurité Sanitaire). La mise en place d’une politique nutritionnelle est apparue, au cours des quinze dernières années, comme une priorité de santé publique. Le rôle joué par la nutrition comme facteur de protection ou de diminution du risque de pathologies les plus répandues en France (cancer, maladies cardiovasculaires, obésité, ostéoporose ou diabète de type 2) est de mieux en mieux compris. Le PNNS n’interdit pas la consommation de produits mais propose plutôt une utilisation à faible dose de certains produits.

Il s’articule autour de 4 axes :

- Réduire l’obésité et le surpoids dans la population,

- Augmenter l’activité physique et diminuer la sédentarité à tous les âges,

- Améliorer les pratiques alimentaires et les apports nutritionnels, notamment chez les populations à risques,

- Réduire la prévalence des pathologies nutritionnelles.

La classification NOVA, qui vient du Brésil, est découpée en 4 groupes selon le degré de transformation des aliments.

  • Groupe 1 : produits non/peu transformés (ex : lait)

  • Groupe 2 : ingrédients culinaires (ex : yaourts)

  • Groupe 3 : produits transformés (ex : yaourts aux fruits)

  • Groupe 4 : produits alimentaires et boissons ultra-transformés (ex : dessert lacté)

Cette classification a été créée pour provoquer une prise de conscience vis-à-vis des risques possibles de la transformation excessive des produits alimentaires pour notre santé et pour l’environnement.

Le Nutri-Score (créé en 2017)

Pour rendre plus compréhensible l’étiquetage nutritionnel, un logo peut désormais être apposé sur les emballages, il s’appelle le Nutri-score. Il s’agit d’un système d'étiquetage  à cinq niveaux, allant de A à E et du vert au rouge, établi en fonction de la valeur nutritionnelle d'un produit alimentaire. Mis en place à l'initiative du gouvernement français en 2016 dans le cadre de la loi de modernisation du système de santé, il a été ensuite repris dans d'autres pays.

Son but est de favoriser le choix de produits plus sains par les consommateurs, en indiquant de façon simple, la qualité nutritionnelle des aliments. Cet étiquetage participe ainsi à la lutte contre les maladies cardiovasculaires, l'obésité et le diabète.

L’étiquetage nutritionnel est souvent difficile à décrypter pour la majorité des consommateurs. L’UFC-Que Choisir est partenaire et encourage le Nutriscore :

- il apporte d’une part, une information simple et facilement déchiffrable par tous,

- d’autre part, la mention de cette indication nutritionnelle conduit les fabricants à améliorer leurs recettes.

Le Nutriscore est donc :

  • un levier d’amélioration de la qualité nutritionnelle des produits vis à vis des fabricants.

  • un gage de transparence pour les consommateurs.

Cependant, deux ans après l’adoption du Nutriscore, seuls 5 % des produits possèdent cet étiquetage car il n’est pas obligatoire sur les emballages en raison d’un règlement européen. En 2019, une initiative citoyenne a été lancée pour le rendre obligatoire. Cette initiative est soutenue par des associations de consommateurs dont UFC-Que choisir.

Guillaume Le Borgne débute sa présentation avec un aperçu des différentes applications de décryptage alimentaire.

L’alimentation est une source de bien-être et ne doit pas être considérée seulement du point de vue de ses valeurs nutritionnelles. Depuis un an, le laboratoire IREGE travaille sur les applications de décryptage alimentaire et plus particulièrement sur l’appli Yuka.

Les applis de décryptage alimentaire existantes permettent de connaître les caractéristiques des produits. Petit aperçu de quelques applis :

Open Food Facts est une base de données collaborative et ouverte, complétée par tous et donnant des informations sur les aliments : le Nutriscore, les additifs présents et le degré de transformation des aliments (en tenant compte de l’application Nova).

L’application Yuka regroupe 10 millions d’utilisateurs dans le monde. La note globale donnée par Yuka est basée sur un algorithme qui combine la qualité nutritionnelle (60%), la présence d’additifs (30%), le bio (10%). Elle propose aussi des alternatives aux produits.

D’autres applis existent : Kwalito, ScanEat, Scan Up.

Cependant, les informations nutritionnelles ne disent pas tout, plusieurs ingrédients mélangés ne sont pas digérés de la même façon que l’un ou l’autre des ingrédients pris de façon isolé ou à un moment différent.

Si les applis permettent d’éveiller certains consommateurs à l’information nutritionnelle, de connaître rapidement certaines informations intéressantes, de donner davantage d’informations que le Nutriscore et d'apporter un côté pratique et ludique, elles ont aussi des côtés négatifs. Elles ne tiennent pas compte des quantités consommées et des régimes globaux, ni de l’empreinte carbone des aliments et peuvent contenir des erreurs dans leur base de données. En voulant « manger sain », certaines personnes peuvent être entraînées dans un risque d’orthorexie (suivre une discipline de fer pour manger sain).

Dans la recherche, les avis sont nuancés mettant en lumière un débat entre deux visions : celle holistique qui privilégie une approche globale considérant qu’un aliment interagit avec les autres et celle réductionniste où chaque aliment est pris séparément. Actuellement, le Nutriscore est ce que l’on a trouvé de mieux mais cette échelle reste une simplification : certains produits transformés ont un effet néfaste malgré un bon taux de Lipides-Glucides-Protides.

En conclusion,

Manger le moins transformé possible est une bonne alternative, la qualité de l’alimentation est alors aussi bonne que si l’on utilise le Nutriscore. Quels sont les impacts sur les connaissances, le côté plaisir de l’alimentation ? A la différence du Nutriscore  qui est visible sur l’emballage, Yuka n'est utilisé que si on le souhaite (et ne pas être utilisé si on ne veut pas savoir que le produit est « mal » classé !).

Petit aperçu des questions posées par le public :

Des produits de substitution sont parfois proposés par Yuka : quels liens existent-ils entre Yuka et les industriels de l’agroalimentaire ?

Guillaume Leborgne : Le financement de l’appli vient des consommateurs qui choisissent la version payante. Yuka tente de proposer la meilleure option possible, selon son mode de classement. Il subsiste cependant un doute sur les liens qui pourrait unir les industriels et l’appli. Pour être certain de neutralité, il faudrait utiliser plusieurs applis.

Robert Mondot : Il s’agit d’une question de confiance entre l’appli et les consommateurs. Yuka tente de montrer la justesse de ses informations. En comparaison, Open Food Facts est une appli plus austère mais avec des critères bien définis. Yuka est, quant à elle, plus « agréable » à utiliser et cela permet aux consommateurs de lui accorder une confiance plus grande.

Ces applis touchent la partie cognitive de notre cerveau. Cependant, 95% de ce qu’on mange est quelque chose qui échappe au conscient. L’utilisation d’applis ne va-t-elle pas bloquer la régulation de l’alimentation ? Renforcer l’orthorexie ?

L’orthorexie est un ensemble de pratiques alimentaires, caractérisé par la volonté obsessionnelle d’ingérer une nourriture saine et le rejet systématique des aliments perçus comme malsains.

GL : Pour les consommateurs n’ayant aucun problème avec l’alimentation, les applis sont une aide pour se nourrir plus sainement. Pour les personnes en difficulté face à l’alimentation, cela pose des problèmes. Actuellement, des recherches sont en cours dans ce domaine pour répondre aux questions : Comment utiliser les applis ? Faut-il être accompagné pour les utiliser ? L’éducation à l’alimentation devrait permettre de se passer de ces applis, elles ne sont là que comme une aide.

Que devient le plaisir de manger, qui est pourtant primordial ?

GB : le régime alimentaire dépend de chacun et varie d’une personne à l’autre. Sur le côté du plaisir, c’est encore plus varié. Ce n’est donc pas possible d’intégrer cette dimension dans une appli.

RM : Le Nutriscore propose surtout d’être plus économe et de manger des produits peu transformés, meilleurs pour la santé.

Quelle est l’utilisation du Nutriscore par des personnes moins sensibilisées à ces problématiques ?

RM : UFC-Que choisir milite pour que le Nutriscore soit inscrit sur tous les produits. Cependant, entre la prise de décision et la mise en place par les industriels, il faut compter environ un an de délai. UFC-Que choisir propose par ailleurs des « rendez-vous conso » pour expliquer les enjeux de l’alimentation. C’est une action complémentaire aux applis.

GL : Pour des gens en situation précaire, le coût de l’alimentation va être le facteur déterminant d’achat, de ce fait, le Nutriscore renvoie une mauvaise image à ces personnes.

En conclusion,

GL : le Nutriscore apporte des éléments intéressants, il est donc dommage que sa mise en place soit difficile auprès des industriels. Il reste beaucoup de choses à découvrir sur les façons de l’utiliser. Mais devant la multiplication des informations, des normes et le temps passé à chercher les infos, certains abandonnent l’utilisation de ces outils.

RM : UFC-Que choisir est indépendant, militant, expert et tente de faire inscrire le code Nutriscore sur tous les produits alimentaires emballés. Actuellement, une pétition européenne demande la mise en place du Nutriscore de façon obligatoire.